Marche sous la neige [libre]

Kamui était à présent en colère contre lui-même. Il n'aurait jamais dû agir aussi bêtement et égoïstement! Maintenant il regrettait, et s'imaginait déjà ne plus jamais pouvoir regarder ses amis en face. Après être vite repassé par sa chambre pour y jeter ses sacs qu'il avait laissées devant la porte et reprendre son manteau, il avait marché jusqu'à la ville de Monrocade et déambulait maintenant dans ses jolies rues pavées. La neige ne cessait de tomber et par conséquent, peu de monde y marchait.
Ainsi le prince espérait être tranquille et ne croiser personne qui pourrait le déranger. Il entra dans quelques boutiques pour visiter un peu mieux. Eh oui, en plus d'un an il n'avait que très peu visité le coin et pourtant il avait été logé en pleine ville. Mais c'était sa période genre "crise d'adolescence" et refusait souvent de sortir. A part pour voir Hagosan. Qu'il n'oserait plus jamais voir...

Il entra dans une petite échoppe qui vendait des biscuits et autres gâteaux artisanaux. Là se trouvait une vieille dame souriante, debout derrière le comptoir. Elle pétrissait déjà la pâte pour ses prochaines friandises. Kamui s'avança sans un bruit, trop intimidé pour dire bonjour. Le magasin était tout petit et il en fit vite le tour mais il fut impressionné de voir le nombre incalculable de douceurs qui s'y trouvaient. Il revint devant le comptoir. Ni lui, ni la vieille femme n'avaient encore dit mot. Elle continuait de sourire gentiment mais pour lui ce silence était dur à supporter. Il aimait beaucoup cet endroit. Il vit sur un petit écriteau posé devant lui qu'il était possible de choisir différents biscuits et de le mettre tous ensemble dans un petit sac pour un prix dérisoire. Comme il fixait bêtement les étals en ne sachant que choisir, la vieille dame s'approcha de lui et brisa enfin le silence.

- Jeune homme, si tu as quelque chose à te faire pardonner, je te conseille des petits biscuits simples à la groseille.
- Mais ce n'est pas... commença-t-il.
- ... la saison oui bien sûr... Mais je congèle les fruits que je récolte. Tout simplement. Alors, as-tu fait du mal à un garçon ou une fille?
- Hélas grand-mère, j'ai fait du mal aux deux. Des amis qui avaient confiance en moi, je les ai trahi.

La femme lui sourit doucement et attrapa quelques biscuits en marmonnant. Groseille, mûres, menthe et chocolat. Elle en remplit un sac en tissu joliment décoré qu'elle remit au jeune homme. Puis elle reprit un autre sac, un peu plus petit et le remplit de cookies aux pépites de chocolat.

- Le deuxième je te l'offre car tu es un charmant garçon avec un cœur gros comme ça! Et la personne que tu vas bientôt rencontrer aura certainement faim!

Kamui ne comprit pas mais remercia la vieille femme et paya le premier sac. Il sortit le cœur léger mais remplit de questions. Qui était-elle vraiment? Une voyante qui fait des gâteaux magiques? Ou alors Kamui se sentait-il tellement coupable que ça se voyait comme le nez au milieu de la figure?
Quoiqu'il en soit, il continua sa marche dans les rues. Finalement il s'assit sur un petit banc, et il avait totalement oublié que la femme lui avait parlé d'une rencontre prochaine...

Monrocade.. Une vallée verdoyante perdue au milieu des montagnes, un havre de paix mais peut-être aussi un espoir…

Sans en avoir le souvenir, Aï empruntait le même chemin qui bien des années plus tôt l’avait conduite sur les traces d’un bien étrange pensionnat. Si autrefois elle avait franchit ces portes dans l’espoir de contrôler ce qu’elle avait appelé son don, aujourd’hui, elle revenait ici pour retrouver ses souvenirs et peut-être aussi parce que désormais il n’y avait plus de place pour elle dans cette société qui grandissait toujours plus vite. Le feu qui l’avait engloutit dans l’ancienne école avait détruit son passé, ne lui offrant qu’un futur dont elle ignorait tout. Comment pouvait-elle se reconstruire si son esprit lui-même refusait obstinément de lui montrer qui elle avait été ?

Les deux ans qui s’étaient écoulés n’avait rien changé à ce sentiment de vide qui s’était enraciné dans le cœur de la jeune femme. Quels étaient ses buts, ses envies .. Elle l’ignorait et cela la rendait particulièrement morose. Pourtant ce désir profond de renouer avec son passé ne l’avait jamais quitté et ce qui l’avait amené ce matin là à Monrocade. Ses cheveux rougeoyants ondulaient au rythme du vent, tandis que son regard se perdait dans le lointain, fixant cette petite ville perdue qui recelait pourtant d’anciens souvenirs qu’elle avait oubliés.

Le froid était mordant ce matin là, laissant une légère brume s’emparer de ce labyrinthe de ruelles qui se multipliaient aux quatre coins de la ville. Aï avançait lentement, cherchant un détail qui pourrait peut-être lui revenir en mémoire tandis que de petits flocons d’un blanc immaculé recommençaient à tomber. Elle passa devant plusieurs petites échoppes de produits locaux. Dans les vitrines, de petits pots s’alignaient dans une explosion colorée qui redonnait un peu de vitalité à ce paysage si blanc qui entourait la ville comme une muraille infranchissable. Elle aimait cet endroit pour son calme et sa simplicité. Les rues pavées lui rappelaient d’anciens contes où les personnages habitaient encore d’imprenables châteaux. Elle marcha pendant longtemps, errant comme une âme en peine dans ce calme olympien. Elle prenait des photos avec un vieux réflexe qui lui tenait à cœur. Soudain, son regarda s’arrêta sur un jeune homme, assit sur un banc qui semblait plongé au cœur de réflexion si complexe qu’il ne remarqua même pas la jeune femme qui avait arrêté son regard sur lui.

Aï baissa son appareil photo. Ce jeune homme semblait avoir éveillé sa curiosité par son aspect si singulier. Il se dégageait de lui quelque chose de différent. Peut-être était-ce ces longs cheveux argentés qui glissaient dans le vent ou ce regard doré qui fixait le vide mais il semblait comme venu d’une autre époque. La jeune femme se rendit compte qu’elle le fixait depuis un peu trop longtemps et se décida à avancer. Après tout, elle ne savait toujours pas où était le pensionnat et demander son chemin allait finir par devenir nécessaire pour ne pas finir congelée.

-Je trône dans l'azur comme un sphinx incompris;
J'unis un cœur de neige à la blancheur des cygnes;
Je hais le mouvement qui déplace les lignes
Et jamais je ne pleure et jamais je ne ris.

Aï avait soudain eu cet éclair de poésie. Ce jeune homme lui rappelait ces quelques vers qu’elle avait lui dans les fleurs du mal à propos de la beauté.

-Tu avais l’air si triste que je pensais que la poésie pourrait au moins te redonner un léger sourire. Est-ce que je peux m’assoir ?

La jeune femme lui sourit, attendant sa réponse, et espérant que son approche poétique n’avait pas trop gâché son entrée.

Kamui avait commencé à manger machinalement quelques cookies. Au bout de trois, il se perdit dans ses pensées et ne fit plus que mâchouiller le biscuit, à l'instar d'un bébé tétant sa mère. La neige commençait à le recouvrir peu à peu, blanchissant encore plus ses cheveux qu'ils ne l'étaient déjà. Sa chevelure, d'ailleurs, se balançait doucement au gré du vent léger qui soufflait à intervalles irréguliers.
Il aurait juste suffit de lui enlever son air idiot-mâchouilleur pour qu'il ait l'air d'une mystérieuse créature fantastique tout droit sortit d'un conte. Mais apparemment il inspirait tout de même les passants, car un poème vint à traverser la rue pour se nicher au creux de ses oreilles. Il ferma les yeux pour mieux savourer la douce voix féminine qui l'avait prononcé (et son biscuit qu'il avait finit par avaler).

La jeune femme s'était approchée plus près que le prince l'aurait cru. Le vent avait certainement atténué le son en lui donnant un air distant. Kamui avait trouvé bizarre que cette fille aux cheveux rouge feu sorte un poème, surtout pour enchaîner sur une banale introduction pour commencer la conversation, mais il avait également apprécié que ses paroles rompent le silence.
Il sourit à son tour.

- Triste? Non j'étais simplement perdu dans mes pensées, et je suis certain d'avoir eu l'air plus idiot que triste, ajouta-t-il avec une pointe d'humour. Bien sûr assieds-toi, si tu ne crains pas d'avoir les fesses mouillées!

D'un geste, il balaya tout de même la neige afin de minimiser les dégâts. La jeune fille s'assit alors et un court silence s'installa. Kamui n'avait jamais rencontré Aï du temps de Tatchoum*, ainsi elle était totalement étrangère pour lui et il ne savait pas trop quoi lui dire.

- Comment tu t'appelles? Tu vis ici? Moi c'est Kamui Misaka, pour te servir!

Sur ce, il repensa aux paroles de la vieille femme et il tendit un biscuit à son interlocutrice.

*Je suis pas sûr je dois revérifier!

Un sourire se dessina sur les lèvres du jeune homme ce qui rassura Aï malgré le léger silence qui s’installait entre eux. Pourtant, il ne tarda pas à parler à son tour d’une voix cristalline et malicieuse. Avait-il réellement eu l’air idiot un instant ? Ce n’était pas ce que la jeune femme avait vu. Il avait une certaine classe, un magnétisme inné qui savait attiser la curiosité. D’ailleurs il ne tarda pas à user de ses manières de gentleman en nettoyant la neige qui s’était accumulée sur le banc, invitant la jeune femme à s’assoir. Aï laissa échapper un léger rire faisant non de la tête avant de s’assoir bien qu’elle n’eut aucune idée de la manière dont elle pourrait engager la conversation. Pouvait-on demander à n’importe qui l’emplacement d’un pensionnat censé héberger des « monstres » ?

Et tandis qu’un flot de questions se multipliaient dans la tête de l’étudiante, ce fut le jeune homme qui brisa à nouveau ce silence. Son nom... Et dire qu’il y a quelques mois encore, elle aurait été incapable de répondre spontanément à cette question. Perdre son identité avait quelque chose de déroutant et de terriblement frustrant aussi. C’était comme de se réveiller un matin à côté d’un parfait inconnu en se demandant comment on a pu en arriver là. Pourtant, Aï lui rendit simplement son sourire.

-Non je ne vis pas ici … Enfin pas officiellement. Tout ça ne semble pas très clair pas vrai .. ? C’est surement que ça ne l’est pas non plus dans ma tête.

La jeune femme soupira, acceptant le gâteau que lui tendait Kamui. Elle releva un peu la tête, fixant le vide un instant.

-Je m’appelle Aï, Aï Shinsuke. Et à vrai dire, tu es la première personne que je rencontre ici. Autrefois, j’ai vécu quelque part près d’un pensionnat qui a brûlé, ça s’appelait Tat… En fait, je ne me souviens plus vraiment de comment ça s’appelait.

Aï rit à nouveau pour détendre l’atmosphère car ce genre de souvenir, elle aurait préféré les oublier. Puis elle porta sa main sur la manche de son manteau et la releva dévoilant une large cicatrice.

-Blessure de guerre .. En fait, j’étais venue ici pour retrouver ce pensionnat parce que c’est là que sont mes souvenirs… En fait, je sais même pas pourquoi je dis tout ça, ça doit t’ennuyer d’entendre ce genre de chose .. Désolé.

La jeune femme se releva et fit quelques pas.

-Je ferais peut-être mieux d’y aller. Les cours vont surement reprendre comme dans tout les pensionnats.. Merci pour tout ..

Aï s’abaissa en signe de reconnaissance, se retournant pour repartir vers la vallée.

*Qu’est-ce qui m’a pris de parler comme ça .. Il a du me prendre pour une pauvre folle. Dommage, il avait l’air plutôt gentil .. *

(HJ : Kamui ne connaît effectivement pas Aï!)

La jeune fille s'était assise, et elle dit son nom à son tour. Ceci ne rappela rien à Kamui, pourtant cela aurait dû, car la jeune fille avait été possédée par un puissant démon et avait tenté de tuer tout le monde. Mais le prince ne se souvenait pas très bien de ce qui s'était passé avant que Tatchoum ne brûle, car il avait lui-même été atteint par le "virus" du démon et s'était ensuite évanoui. Il n'avait, par la suite, pas osé demandé aux autres ce qui s'était passé pour ne pas remuer le couteau dans la plaie, et même Hagosan avait été peu précise sur les évènements.
Aï commença à extérioriser tout ce qui tourbillonnait dans sa tête, et plus les mots sortaient de sa bouche, plus les yeux de Kamui s'écarquillaient. Il resta sans voix: cette fille venait de Tatchoum, et elle avait perdu la mémoire! Mais oui, Aï, il en avait vaguement entendu parler: c'était une des très rares disparitions après l'incendie et comme personne ne l'avait retrouvée, tout le monde l'avait laissée pour morte.

*C'est assez cruel au fond, personne ne l'a cherchée??*

En évoquant sa mémoire brisée en morceaux, la jeune femme se mit à sourire plus timidement qu'au début. Puis elle se leva pour partir et remercia Kamui en s'inclinant pour le saluer. Le jeune homme ne fit alors qu'un bond.

- Eh, Aï, ne pars pas comme ça! Je sais où se trouve le pensionnat, j'y vis moi-même, et tu viens de Tatchoum! J'y étais! Personne ne t'a retrouvée après l'incendie on a tous cru que tu étais morte... Ah, ils vont être sacrément contents là-bas! Viens!

Il lui attrapa la main en l'entraîna derrière lui en courant. La jeune fille était bouleversée et ne réagit pas vraiment sur le coup. En cours de route, étant donné que trois kilomètres séparent la ville du pensionnat, ils ralentirent l'allure. Kamui distribuait volontiers ses cookies à sa nouvelle copine. Il était souriant, impatient d'annoncer la nouvelle aux gens du pensionnat. Il en avait totalement oublié son malentendu avec Hagosan.

Mais alors qu’elle se détournait de Kamui, sa voix l’interpella à nouveau. Aï se détourna sur lui, le regardant les yeux écarquillés de surprise. Était-ce réellement possible qu’elle ait eu assez de chance pour tomber sur un ancien élève ? Après tout peut-être que c’était ça, le destin. Mais elle n’eut pas vraiment le temps d’y réfléchir car déjà la main de Kamui avait attrapé la sienne pour l’entrainer vers le pensionnat. Le paysage défilait sous ses yeux sans qu’elle réalise vraiment ce qui était en train de se passer. Finalement, ils ralentirent et Aï prit le temps de respirer un moment. Elle regarda Kamui dans les yeux, l’air soudainement inquiète, lâchant sa main.

-Je suis pas totalement sure … J’ai perdu la mémoire dans cet incendie, je ne suis même pas certaine de pouvoir reconnaitre qui que ce soit..

Elle avait soudainement peur de retourner là bas. Kamui l’avait dis lui-même, pour tout les étudiants, elle était morte dans l’incendie. Et puis peut-être que certains souvenirs n’étaient pas bons à ranimer. Elle fixait toujours les iris dorées du jeune homme, cherchant un peu de réconfort dans ce regard étincelant qu’elle avait eu elle aussi autrefois.

-Est-ce que j’étais quelqu’un de bien ? Tu étais au pensionnat alors peut-être que tu sais qui j’étais et j’aimerais savoir si j’étais quelqu’un de bien parce que je fais des rêves … Des rêves affreux et parfois j’ai peur que ces cauchemars soient en fait une réalité..

Un vent plus fort se mit à souffler et Aï fut parcourue par un léger frisson. Lorsque ses sentiments changeaient, il arrivait parfois qu’elle déclenche son don. Ce mélange de peur et d’incertitude qui la gagnait l’avait soudain rendue un peu plus froide et distante.

-Je suis peut-être vraiment morte dans ces flammes en fin de compte … Regarde moi, je suis comme un fantôme.

Aï le regarda et attrapa la main de Kamui. Mais au lieu de refermer ses doigts sur sa paume, la main de la jeune femme passa au travers de celle de l’étudiant. Oui, ce nouveau pouvoir avait bien souvent interroger Aï qui se demandait sans cesse si elle était bel et bien en vie ou si elle était une sorte de fantôme améliorer. Après tout, même pour elle, sa survie était un mystère. Elle n’était pas immunisé contre le feu et pourtant elle avait survécu à tout ça.. Et toujours cette même question lui venait en tête. Peut-être qu’elle aurait du mourir ce soir-là ..

Ils ralentirent tant qu'ils finirent par s'arrêter. Kamui en profita pour reprendre son souffle et Aï fit de même. Elle semblait si inquiète! Elle expliqua alors ses craintes au jeune homme qui l'écouta attentivement. Oui après tout, si elle avait perdu la mémoire et qu'elle ne revenait pas, était-ce vraiment une bonne idée de la traîner dans un lieu remplit d'inconnus qui lui parleraient sans cesse du passé qu'elle a oublié?
Kamui réfléchit un instant et essaya de se mettre à sa place. Il retourna la situation dans tous les sens mais la pensée qui reprenait toujours le dessus sur les autres était: moi, j'aimerais à tout prix que l'on m'aide à retrouver la mémoire.

Aï lui demanda alors si elle était quelqu'un de bien. Elle faisait toujours des cauchemars horribles dans lesquels elle fait le mal et craingait que ce ne soit la réalité. Kamui fouilla sa mémoire, essayant de rassembler ce qu'il avait entendu sur la jeune fille. Il prit alors une grande inspiration et plongea son regard doré dans les yeux de braise de sa copine.

- Eh bien, je crois me souvenir que tu étais une jeune fille courageuse qui s'est battue à nos côtés quand nous étions menacés par les monstres. Avant que Tatchoum ne soit détruit, un démon a prit possession de ton corps pour faire le mal. C'est très vague, j'ai moi-même un peu tout oublié car je me suis évanoui comme une patate...
Mais tes cauchemars racontent peut-être ce moment où tu n'avais pas le contrôle de tes actes. Je crois me souvenir aussi d'un garçon qui était désemparé après ta disparition. Bien sûr, tout le monde était triste, mais lui plus que nous tous... Il marqua un temps et détourna le regard. Désolé, je peux pas être plus précis. Mais j'espère que ça va te convaincre de venir. Au moins essayer!

Le vent avait soufflé en courte rafale, faisant frissonner les deux jeunes gens. Kamui frotta le dos d'Aï pour tenter de la réchauffer un chouïa. Il était sur le point de pondre un second discours rassurant quand tout à coup la jeune femme déclara qu'elle se sentait comme un fantôme, et qu'elle était sûrement morte au final. Pour exemple, elle passa sa main à travers celle de Kamui. Ce dernier écarquilla les yeux puis secoua la tête.

- Mais non voyons, tu ne peux pas être un fantôme! Moi je peux te toucher, on vient de le voir, lui dit-il en souriant largement.
C'est peut-être un pouvoir que tu ne maîtrise pas bien, c'est normal! Là encore, Chris pourra t'aider au pensionnat, c'est un type génial!

Effectivement, malgré la petite rancoeur que Kamui avait envers Chris, il le considérait tout de même comme un grand homme et le respectait comme un père.
Ils se remirent lentement en route. Kamui essayait tout de même de presser un peu Aï pour qu'ils puissent rentrer avant la nuit.

Sentant le regard du jeune homme sur elle, elle se sentit soudain un peu gênée de voir que même pour Kamui, ces souvenirs semblaient difficiles à évoquer. Avait-elle vraiment été possédée par un démon ? Si c’était vraiment le cas, cela signifiait que tout ces morts qu’elle avait tué de ses propres mains en rêve étaient … vraiment morts. La jeune femme sentit soudain comme un poignard qui s’enfonçait si profondément en elle qu’elle avait l’impression de s’effondrer. Elle eût envie de crier, et de pleurer aussi en priant pour que ce soit faux. Après tout, peut-être que Kamui se trompait de personne, peut-être que ce n’était pas elle. Comment aurait-elle pu leur faire tellement de mal ? Comment aurait-elle pu rencontrer un démon ? Était-elle du côté obscur de ce monde, une femme destructrice et cruelle ? Un nouveau frisson lui glaça le sang. Le récit du jeune homme avait fait se démultiplier les questions qu’elle se posait sur son passé. Elle avait l’impression que son crâne allait exploser. Mais alors qu’elle se sentait vaciller, les bras de Kamui s’enroulèrent autour d’elle pour la réchauffer du froid ambiant. Mais Aï était ailleurs. Peut-être aurait-elle dû réellement mourir dans cet incendie. Après tout c’était un juste retour des choses pour elle qui avait été . . une meurtrière.

Kamui lui assura pourtant qu’elle saurait trouvé une place au pensionnat et toute l’aide nécessaire auprès de Chris, un nom qui ne lui était pas étranger bien qu’elle ne se souvienne pas du visage que pouvait avoir cet homme. Plongée dans ses pensées morbides, elle remarqua à peine qu’ils s’étaient remis en route. Ayant à nouveau pris la main de Kamui pour se laisser guider, ils avançaient plus rapidement, sentant déjà la nuit tomber derrière eux. Plus Aï réfléchissait, plus elle se sentait terrifiée de ce qu’elle allait finalement découvrir. Et si elle n’était pas cette jeune femme courageuse qu’avait tenté de lui décrire Kamui ? Si sa possession n’en avait pas été une ? Et si elle était finalement rien de plus qu’un de ses monstres qu’avaient dû combattre les élèves du pensionnat ?

-Est-ce qu’il est possible de changer ?

Aï avait pensé à haute voix, se surprenant elle-même à briser le silence de leur avancée tandis qu’au loin, on pouvait apercevoir un bâtiment encore incertain.

-Qui voudrait voir revenir un assassin dans l’enceinte de l’école ? Pourquoi tu n’as pas peur de moi ? Et si je n’avais pas été possédée ? Si j’avais tué ces gens de mon plein gré ? Tu étais évanouis peut-être que je suis quelqu’un de dangereux.. Si je faisais du mal à quelqu’un ..

La jeune femme s’accroupit sur le sol pour venir poser ses mains contre sa tête. Toutes ces questions, elle voulait seulement que ça cesse. Des larmes roulèrent le long de ses joues tandis que le vent se mettait à souffler lui doucement, lui effleurant la peau comme une caresse réconfortante. Aï tentait de se calmer sans y parvenir. Cela allait faire deux ans qu’elle était en quête d’elle-même et si finalement ce qu’elle découvrait n’était pas ce qu’elle avait espérer. Comment savoir ?

-Excuse moi, je te retarde .. Tu devrais peut-être y aller le pensionnat n’est pas loin et puis il fait presque nuit maintenant..

Aï parlait sans oser le regarder, terrifiée par ce qu’elle était. Elle qui avait si longtemps cru que son pouvoir ne pourrait jamais faire de mal à quiconque .. Elle tenta toutefois de se relever et vacilla. Ces derniers jours, elle avait peu dormi et la journée avait vraiment était rude en émotion si bien que son corps ne pouvait en supporter plus.

Kamui n'avait vraiment pas réussit à rassurer Aï. Au contraire elle se posait encore plus de questions et doutait complètement de son innocence. Changer? Oui elle avait changé bien sûr, mais le prince était convaincu qu'elle n'avait pas mal tourné et que tout était la faute du démon. Elle, elle pensait tout le contraire. Elle était maintenant certaine d'être un assassin et d'avoir massacré des gens en étant bien consciente de ce qu'elle faisait. Aï avait peur de retomber du mauvais côté.
Elle était maintenant accroupie et pleurait en tenant sa tête entre ses mains. Elle voulut laisser Kamui continuer sans elle, mais il n'avait pas dit son dernier mot et dès qu'elle se releva, chancelante, le prince lui donna une tape sur la tête.

- Allez, frappe moi si tu es si méchante? Ou même, commence par m'insulter pour t'échauffer. Ensuite, colle moi une bonne droite!

Il s'était mit à sautiller comme un boxeur prêt à cogner. Il menaçait Aï, tentant de lui faire peur en faisant passer ses poings à quelques centimètres de son visage. Heureusement que Kamui savait se battre et connaissait ses limites, car un débutant aurait malencontreusement frappé la jeune fille en voulant faire le cake.
Le vent commença à se lever dangereusement, mais il n'y faisait pas attention.

Aï regardait Kamui s’agiter autour d’elle, lui demandant de le frapper si elle croyait réellement être quelqu’un de méchant. La jeune femme le regarda droit dans les yeux et peut-être était-ce parce qu’elle était à bout de nerfs, ou seulement parce que la scène était totalement surréaliste mais elle se mit à éclater de rire. Durant ces deux années, jamais un tel sourire était venu éclairer son visage et ceux seulement parce qu’un jeune homme d’une tête de plus qu’elle se mettait à agiter ses poing à quelques centimètres de son visage.

-Tu as raison, je dois poser un peu trop de question..

Aï avait baisser sa garde. Elle le regarda en souriant un moment, attrapant son bras pour l’entrainer à nouveau vers le pensionnat qui n’était plus qu’à une dizaine de mètres.presque eu du mal à formuler sa phrase sous l’effet de son fou rire. Elle posa alors ses mains sur les poings tendus de Kamui de manière à

-Il commence vraiment à faire froid non ? … Le dernier arrivé devra un verre à l’autre ! Un, deux, tr… Partez !

La jeune femme se mit à foncer dans la direction de l’école, profitant d’avoir le vent qui la poussait dans le dos pour prendre une longueur d’avance. Elle avait réellement oublié de vivre et d’être heureuse ces deux dernières années mais même si elle paraissait pleinement vivre cet instant, elle savait que ses démons intérieurs sauraient bien vite la rattraper. Mais pour l’instant, elle avait décidé d’être comme tout le monde, juste le temps de gagner la course.
Finalement elle arriva devant la large grille noire qui fermait l’entrée du pensionnat. Elle tomba alors à genoux dans la neige, essoufflée. Ce qui était étrange, c’est qu’elle semblait sentir que quelque chose l’attirait dans cet endroit, comme un aimant, elle avait envie de se laisser porter et pourtant elle était toujours aussi terrifiée par ce qu’elle pourrait y trouver. Elle se tourna vers Kamui lui tirant la langue.

-J’ai gagné !

Elle se laissa alors totalement tomber dans la neige, épuisée. Elle ferma les yeux un moment espérant réguler sa respiration. Elle se demandait ce que devait penser Kamui de tout ça. Aï avait toujours été quelqu’un au tempérament de feu, capable de rebondir malgré tout ce qu’elle vivait de plus horrible mais ça elle l’avait oublié, jusqu’à aujourd’hui.

C'était sûr, Kamui avait complètement déstabilisé Aï. Son attitude était tellement désarmante que la jeune fille se mit à rire aux éclats. Le prince s'arrêta alors de bouger mais avait gardé ses points en l'air sans s'en rendre compte. Il la regardait rire de bon coeur, et cette bonne humeur toucha Kamui qui se mit à rire doucement lui aussi.

- Tu as raison, je dois poser un peu trop de question...
- Et comment! répondit-il en souriant plus largement encore.

La jeune fille posa ses mains sur les poings du prince pour les lui faire baisser. Il rougit en se rendant compte qu'il avait gardé sa pose de boxeur pendant si longtemps. Aï avait du mal à réfréner son fou rire alors elle attrapa simplement le bras de Kamui pour le faire avancer en direction du pensionnat.

-Il commence vraiment à faire froid non ? … Le dernier arrivé devra un verre à l’autre ! Un, deux, tr… Partez !

Kamui eut juste le temps de crier "Eeeeeh!!" que son amie était déjà loin. Il essaya quand même de la rattraper pour le défi mais arriva largement après elle. Elle était déjà à genoux sur la neige et laissait les flocons la recouvrir lentement. Elle se retourna vers Kamui pour lui tirer la langue en criant victoire, alors que celui-ci arriva en trottant, à peine essouflé. Eh oui, il en a de la chance: même s'il n'aime pas le sport il est très endurant et très résistant.

- Ouais mais t'as triché! Et puis mon manteau traînait dans la neige, ça m'a ralentit! Et puis j'étais ailleurs au moment du départ....

Ses excuses bidons ne faisaient qu'agrandir le sourire d'Aï alors il décida de se taire et grogna en croisant les bras. Comme la jeune fille restait à terre -alors qu'elle venait de dire qu'elle avait froid-, le prince ouvrit la grille et souleva son amie d'un seul bras pour la mettre debout.

- Allez, mes chaussures sont trempées!! Rentrons au chaud, tu verras le hall est super cool!

La suite se passe >ici< Like a Star @ heaven

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